Le Carrelet

Article paru dans le magazine Déco IN Bordeaux N°3, rubrique « En vélo Simone » (avril-mai 2018)

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Photo : Jeremy Denon pour IN Magazines

On pourrait dire que le carrelet est une simple cabane de bois et de tôle, que l’on trouve en bord de Garonne et qui jalonne aussi les bords de l’estuaire de la Gironde. Elle est juchée, « tchanquée » , sur des pilotis . Une passerelle de bois permet d’y accéder et relie à la berge cette cabane de Robinson. Le carrelet s’avance sur le fleuve, c’est avant tout un poste de pêche et pour ce faire on trouve sur le devant de la cabane, un mât incliné vers la rivière qui porte un grand filet, filet carré ou circulaire. Manoeuvré par un treuil manuel, ce filet sert à pêcher les crevettes ou les poissons. Il a pour nom… carrelet, ecelui-là même qui a probablement donné son nom à notre cabane ! Les Marseillais ont leurs « cabanons » et les Girondins (invaincus à Lescure et au Matmut par les Phocéens depuis… 40 ans) leurs carrelets! Et oui les Girondins ont leurs palombières pour la chasse et leurs carrelets pour la pêche. On a recensé plus de 500 de ces petites thébaïdes. Beaucoup ont été reconstruites après la tempête de 1999 parce que les « propriétaires voulaient retrouver et jouir de leur petit coin de paradis en solitaire ou à partager avec leur famille, leurs amis… Il y a le carrelet rustique, le carrelet coquet, voire «fastueux» et – même – dit-on le carrelet « garçonnière »… Consécration et jour de gloire : en 2004 l’administration des ports a fait éditer un timbre sur les carrelets ! Ainsi le carrelet, plus qu’une simple cabane de bois et de tôle, est-il certes bâti (de bric et de broc le plus souvent) pour la pêche mais, c’est aussi un lieu de retraite, de repos, de bonheur qui permet de contempler, de faire corps, de vivre avec le fleuve-dieu Garon, discret et pourtant grave, glauques les yeux, pleins du regret des monts qui l’ont connu vif et clair comme un gave, Vieillard chargé de sel et de limons. Toute poudreuse était sa chevelure où l’on voyait plus d’une grappe mûre mais dans sa barbe, aucun poil n’était sec, des lamproyaux grouillaient dans son varech.
Auprès de lui, sur un plus humble siège, laissant trop voir en un pareil sourcil un même ennui des Bourboules de neige, sa vielle épouse était assise aussi : Dame Dordogne…
c’est ainsi que le poète André Berry (Bordeaux 1902 – Paris 1986) évoquait dans son immense épopée « Des Esprit de Garonne » notre fleuve souverain, décoré de son chapelet de carrelets…

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