La porte d’Aquitaine (de la Victoire) de Bordeaux, faisait partie du « tour de ville » envisagé par l’intendant Tourny. Ce dernier pour embellir et « moderniser » la ville, au milieu du XVIIIe siècle.
La porte d’Aquitaine dans l’Histoire
Elle faisait corps avec le rempart, tout comme ses « sœurs » les autres portes de pierre de Bordeaux. Les portes des Capucins (démolie en 1883 !), de la Monnaie, de Bourgogne (Bir Hakeim), du Chai des Farines, Dijeaux.
La porte d’Aquitaine a remplacé une porte plus ancienne, la porte Saint-Julien démolie en 1746. Elle appartenait à la troisième enceinte de Bordeaux (XIVe siècle). Cette porte médiévale, avait une fonction militaire et stratégique. En effet, ses deux grosses tours défendaient les routes de Toulouse (cours de la Somme) et de Bayonne ou d’Espagne (cours de l’Argonne).
La porte d’Aquitaine a été baptisée en l’honneur du petit-fils de Louis XV, le duc d’Aquitaine. Elle manifestait ainsi le loyalisme de Bordeaux vis à vis de la monarchie. Puis, magnifiait l’entrée de la ville par le sud avec la nouvelle place d’Aquitaine aménagée à la même période.
Avec ses fonctions commémoratives, urbanistiques et décoratives, cette nouvelle porte du XVIIIe siècle gardait une fonction économique. Comme ses sœurs elle maintenait la ville close, et permettait ainsi de percevoir les revenus de l’octroi (perceptions d’une taxe sur les marchandises entrant dans la ville).
Jadis, un aménagement bien différent…
La porte d’Aquitaine de Bordeaux, construite entre 1754 et 1758 selon les plans de l’architecte Portier, se présente comme une imposante arcade. Elle est inspirée de l’antiquité et sommée d’un fronton triangulaire.
Passage central réservé aux charrois et autres équipages, deux passages latéraux, des guichets dévolus aux piétons et à l’octroi flanquaient, à l’origine, cette arcade. Ces derniers furent malheureusement détruits en 1902 afin de « libérer » la rue Sainte–Catherine et de faciliter son accès aux voitures (qui l’empruntèrent jusque dans les années 1980 !).
Vive le Vélo !
Du côté de la grande place, vers la campagne, deux colonnes accouplées et engagées, reposant sur des socles, cantonnaient, de part et d’autres, la grande et monumentale arcade. Ces colonnes d’ordre toscan reçoivent un décor de bossage (relief) dit un sur deux.
Au-dessus de l’entablement et de la corniche, des tritons sculptent le tympan du fronton, dont l’un tient un trident (Neptune ?). Ces divinités marines, émergeant de flots tumultueux portent les armes royales, l’écu de France, les trois fleurs de lys. C’est la richesse de la monarchie tout comme celle de l’océan qui sont ainsi célébrées.
Côté ville, face à la rue Sainte-Catherine, la porte ouvre sur une petite place intérieure (baptisée autrefois place intérieure d’Aquitaine). Cette fois, des pilastres accouplées ou jumelés cantonnaient l’arcade, toujours d’ordre toscan qui reposent, sur des socles comme les colonnes de l’autre face.
De ce côté, le tympan du fronton présente, dans une immense coquille, les armes de la ville, accompagnées de deux cornes d’abondance d’où sortent des fruits, des grappes et des feuilles de raisins (Bordeaux oblige !). Du côté droit de la coquille on peut voir, une rame, un carquois et ses flèches (l’Amérique). Mais aussi des barriques, une imposante balance romaine, un encrier avec sa plume, des liasses (registres de négoce ?). Et puis, un coq (symbole du royaume de France)…
Alors que sur le côté gauche, font place, une ancre, un gouvernail, une gaffe pour les barques, le bâton de Mercure (commerce), des boucauts (emballages de toiles attachés par des cordes), de grands sacs fermés comme des bourses… Le tout « gardé » par un lion qui semble bien être… un ours ! Faut-il voir dans cet animal une allusion au commerce des peaux et des fourrures ? Rappelons que nous sommes quelques années avant la perte du Canada pris par le vieil ennemi, l’Anglais, la perfide Albion ! Ce tympan symbolise vraisemblablement les richesses agricoles de l’arrière pays mais aussi celles du Nouveau Monde qui transiteront sur les mers par le grand port qu’était alors Bordeaux !
Ces bas-reliefs sont l’œuvre de Francin, sculpteur venu à Bordeaux sur les ordres de l’architecte Gabriel. Dans le but de réaliser une partie des frontons de la place Royale (place de la Bourse).
L’architecture de la grande place d’Aquitaine (aujourd’hui place de la Victoire) accompagnait et magnifiait la porte d’Aquitaine. C’était un vaste rectangle, un hémicycle le terminait, point de départ des routes d’Espagne et de Toulouse. Les maisons devaient être uniformes : nettement plus basses que la porte, avec leurs étages surmontés de combles mansardés en ardoise. C’est avec cette architecture (versaillaise) que Tourny et Portier firent « le tour de ville », sur les places Tourny, Dauphine, de Bourgogne, des Capucins et sur la façade des quais.
C’est cette architecture qui fait toujours la gloire architecturale et urbanistique du Bordeaux d’aujourd’hui.
De nos jours…
Hélas… Non seulement le programme de la place n’a jamais était achevé mais sa présentation et configuration ont subi des dommages regrettables. La destruction des deux guichets par exemple ou la construction de la faculté de médecine dans les années 1880. Mais surtout les ouvertures (l’éventrement !) produits par la percée des cours Pasteur et Aristide Briand. Elles ont fait disparaître irrémédiablement la symétrie de la composition de l’ensemble voulue par l’intendant Tourny et son architecte Portier.
Devenue Porte de la Victoire durant la Grande Guerre, la porte d’Aquitaine de Bordeaux n’en garde pas moins toute sa majesté. Même si elle apparaît de nos jours isolée et orpheline des maisons et des guichets qui l’accompagnaient…